Ça commence deux jours plus tôt. On essaie de rejoindre des gens qui sont toujours hors réseau, on rejoint le petit frère qui ne comprend rien. Ils nous rejoignent finalement alors que personne ne peut servir d’interprète. On pense qu’on réussit à se comprendre avec nos trois mots de djerma et ses six mots de français. On se dit que ça va aller, on va y aller, le message est sûrement passé, les gens seront là.
Et puis une tuile, une réunion, en même temps que l’autre réunion, mais prioritaire, puisque c’est peut-être un bailleur de fonds et que les hautes instances en ont décidé ainsi. Mais on recommence la valse des téléphones hors réseau, en se disant une fois de plus ça va marcher.
Suspense, changement de narrateur.
Ce midi, je reçois un appel : on part plus tôt. Euh, ok, on va essayer. Mais vraiment, je suis plus en tenue ‘je rencontre des organisations et j’essaie de leur soutirer de l’information’ que ‘je vais m’asseoir par terre sur une natte au village’. En plus, je n’ai pas d’eau, pas les notes dont j’ai besoin, pas l’argent pour le carburant, pas mon ordre de mission et pas mangé. Vraiment. Je fais ce que je peux pour être là dans moins d’une heure.
Petite toune dynamique dans laquelle on voit le personnage principal monter dans sa voiture, être pris dans un embouteillage pas possible parce que je ne sais quelle administration municipale imbécile a décidé encore une fois de mettre toutes les lumières sur clignotant à l’heure de pointe, entrer chez elle, s’occuper de son bébé qui veut troptrop être dans ses bras, sortir l’argent et une bouteille d’eau, manger, se changer, sortir de la maison sans son argent ni sa bouteille d’eau, se reprendre dans le trafic d’imbéciles, arriver à son lieu de travail, réaliser son oubli, entrer dans le véhicule de terrain avec le chauffeur/traducteur et retourner chez elle. Fin de la petite toune dynamique. Le rythme ralentit, beaucoup même.
On finit par mettre l’essence et par partir. La route est assez mauvaise, mais ça va. Jusqu’au moment où le chauffeur décide d’accélérer pour ne pas s’enfoncer, ça bringuebale pas mal, et arrive ce qui devait arriver, un cahot pas mal plus violent que les autres, je décole de mon siège et je m’assomme sur le plafond de la voiture, en m’assurant bien sûr de cogner la barre de fer qui traverse le toit. Ah, tiens. Je ne suis pas attachée… Je remédie à la situation, heureusement, parce que la route est de pis en pis. Mal à la tête, mal au cou, mais rien de vraiment significatif, ça faisait longtemps que je n’avais pas eu une belle prune comme ça (heureusement, c’est sous les cheveux).
Arrive au village. Personne. Ah bon? Le message de notre retard ne s’est pas rendu. Bon. Les femmes sont-elles là? Sont-elles disponibles? Oui? Ok. On va les attendre. On les attend. On fait la réunion, je joue avec Habibou, 8 mois, qui, malgré toutes les prédictions, ne m’a pas fait pipi dessus (aparté : dans un vrai film de série B, ça serait arrivé, on doit donc être dans la réalité).
On redémarre. On fait la route cahoteuse à l’envers, on effleure la ville et on reprend une route cahoteuse. Enfin, pas vraiment, celle-là est plutôt sableuse et boueuse par endroit. Pour éviter un banc de sable particulièrement rébarbatif et une mare qui semble en vouloir à notre véhicule, on fait un détour par une route qui semble aller relativement dans la même direction. Hum. Ouais. Relativement. Parce qu’en fait pas du tout. Il faut demander notre chemin. Heureusement, c’est le temps des cultures, les champs sont remplis de gens. (Note to self : ah oui, c’est pour ça que je ne vais jamais en brousse seule, je parle trois mots de djerma et en cas de pépin ça ne suffit pas. Continuer cette bonne habitude.) Entre les gamins qui me dévisagent, le vieux borgne qui n’entend rien, les femmes intimidées, la vieille équilibriste (rarement vu un tel talent pour le colis de tête, et pourtant) et les jeunes qui friment, on a fini par arriver à l’endroit du lieu.
Personne. Ah bon. Ici, le message de la réunion, retard ou pas, ne s’est pas rendu aux principales intéressées, soit les femmes de la coopérative. Pas possible non plus de mettre la main sur celui à qui j’ai parlé. Un grand nombre de femmes travaillent aux champs aujourd’hui. Bon. On attend encore. À force de patience, une quinzaine de femmes sont réunies devant nous, on va dire que ça fait le quorum, on commence.
Fin de la réunion, fin de la journée. En théorie. On redémarre avec notre bolide des années 80 (bon, ok, peut-être fin 70). De mare en sable et de sable en mare, on finit par s’ensabler. Un vieux chauffeur et une jeune protagoniste maigrichonne, ça ne sort pas un vieux 4x4 du sable. Mais, encore une fois, les champs sont pleins de gens à cette époque de l’année. Notre équipe de secours, composée d’individus de sexe masculin entre 6 et 75 ans et accompagnée d’un certain nombre d’observatrices, se rassemble en quelques minutes et se met à l’œuvre (ici, vous pouvez reprocher à la jeune protagoniste de ne pas avoir apporté son appareil photo, elle s’est donc contenté d’observer la scène assise à l’ombre en se disant que, des fois, vraiment, elle rate des bonnes occasions par excès de distraction).
Avance, s’enlise un peu plus. Mauvaise idée, en conclut l’équipe de secours, de toute façon le véhicule est enlisé au début du sable, si on pousse par là, on va devoir s’y remettre une fois ou deux. Donc, on recule. Notre jeune protagoniste se dit que, pour un 4x4, cette machine semble être très limitée de la traction avant. Nous découvrirons plus tard que l’option 4x4 n’est plus disponible depuis un certain nombre d’années. Ah bon. Pousse, accélère, s’enfonce, comble avec des mauvaises herbes. Hum. Ça semble vouloir durer. L’équipe de secours décide qu’il faut éteindre le moteur et mettre le véhicule au neutre. Ah oui? Et oui! Ça marche, on est de retour sur la terre ferme. On enlève les branches d’épineux qui, étrangement, bloquent la véritable route. On ne va pas essayer de comprendre. Le film de série B peut se terminer ici, le véhicule s’en allant vers le soleil couchant, ou suivre le personnage presque principal dans son retour à la ville, la récupération de son bolide modèle 91 et le retour à la maison où l’attend sa petite famille, avec la bébinette qui court à sa rencontre et tout et tout.
Bonjour Sara!
RépondreEffacerJ'ai l'impression d'avoir regardé ce périple essouflant à travers la fenêtre d'une case :)
Un quotidien peu banal, quoi!
Salut Djou!
RépondreEffacerJ'ai vu que tu as mis mon blog sur ton blogroll, et depuis j'esssaie de deviner si je te connais...
merci en tout cas! pour le commentaire et le lien.
Malheureusement non, on ne se connait pas: tu peux arrêter de chercher! :) J'ai mis ton blog sur mes liens, car tu vis présentement ce que je veux ardemment faire dans un avenir prochain... soit devenir coopérante en Afrique. J'ai fais un tout petit 6 semaines au Togo.. et je souhaite repartir en 2008 en Afrique de l'Ouest. Voilà! Je suis démasquée! Hahaha Te lire me fais voyager et je goûte à tes expériences avec envie et plaisir immense et intense souvenir. :)
RépondreEffacerles séries b ne sont pas mal du tout. En tous cas, racontées comme ça, ça mérite la statuette oscar ou autre...
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